EPFL - LESO/ PB
Une Nouvelle Façade en Bois

G. Hedman, J.-B. Gay, EPFL-LESO/ PB


Fig. 1 : LESO, façade sud
Architecture Studio
D. Démétriadès & D. Papadaniel, Lausanne

Le bâtiment destiné à l’usage du Laboratoire de l’énergie solaire et de physique du bâtiment, LESO-PB, fut érigé en 1981-82 sur le site de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne à Ecublens. L’objectif de l’époque était notamment de doter le bâtiment d’une façade sud expérimentale et interchangeable, nous permettant d’effectuer des essais dans de bonnes conditions scientifiques sur des modules différentes. Pour répondre à ces exigences, des parois lourdes et thermiquement isolées étaient montés entre tous les bureaux côté sud.
Durant cette période de 18 ans, plusieurs types d’expériences, notamment d’énergie solaire passive, ont été effectuées sur les 15 modules de façade solaires mis à disposition par l’industrie. Ces expériences ont fait l’objet de maintes publications. A la veille du déménagement du LESO dans les nouveaux locaux du Département de l’architecture, il fut décidé de doter le bâtiment d’une nouvelle façade permanente. Celle ci devait améliorer la pénétration de la lumière naturelle et introduire la notion du développement durable, conformément à la stratégie formulée en la matière par le Conseil fédéral en 1997, et parallèlement apporter une expression architecturale intéressante.
Les travaux ont été effectués depuis l’automne 1998 pour s’achever au début de 1999. L’utilisation massive de bois, également en tant qu’élément porteur, ainsi que les grandes surfaces vitrées répondent aux critères annoncés. Les éléments photovoltaïques au niveau de la toiture, posés sur la partie porteuse de la façade, n’ont pas été inclus dans ce travail.

L'Objectif

L’objectif de la présente recherche est l’établissement d’un écobilan nous permettant de tirer rapidement des conclusions concernant un objet de peu d’envergure. Nous avons pris en considération la démolition de l’ancienne façade, les matières employés pour la nouvelle, les transports y relatifs ainsi que la consommation énergétique du chantier. Les impacts suivants ont été considérés :
NRE Non Renewable Energy, l’énergie primaire non renouvelable, en [GJ,MJ]
GWP Global Warming Potential, l’effet de serre, en [kg CO2 eq]
AP Acidification Potential, potentiel d’acidification, en [kg SO2 eq]
Avant d’effectuer les calculs, nous avons émis un certain nombre d’hypothèses. La demande d’énergie finale de chauffage a été calculée au moyen de notre programme informatisé LESOSAI.

Méthode

Notre méthode consistait d’abord en une identification d’éléments à prendre en considération et un inventaire des quantités, ceci à deux niveaux :
Les matières utilisées et leurs transports y relatifs
L’énergie primaire nécessaire pour l’exploitation
La récolte systématique des quantités utilisées a été effectuée auprès de l’architecte et des entreprises mandatées pour l’exécution. Afin d’apporter une vision complète, et à défaut de données, nous avons du faire un certain nombre d’hypothèses, notamment concernant les déplacements. La « règle de négligeabilité » a été appliquée pour des quantités mineures. Les pourcentages de « déchets, casse et pertes » disponibles dans la littérature, ont été arrondis au multiple de 5% le plus proche.

Analyse des Impacts

Plusieurs voies de recherche ont été explorées et des hypothèses émises afin de créer des confrontations intéressantes entre des éléments comparables.

1. Au vu de la complexité de la construction (Fig. 3), nous avons dans un premier temps mis en évidence les relations entre les poids des différents travaux (Fig. 2) effectués sur la façade en bois. Les impacts en [GJ], [kg CO2 eq] et [kg SO2 eq], nécessaires à la construction ont été calculés (Fig. 4), et comparés avec ceux de la démolition, des transports et des dépenses énergétiques du chantier (Fig. 5).

La structure porteuse ainsi que l’habillage et les fenêtres sont en bois. C’est en toute logique que la menuiserie/charpente représente 62,4 % du poids total. La serrurerie vient en deuxième position avec 12,3 %, du fait de la suspension des éléments de façade, des menuiseries métalliques du système anidolique et les habillages partiels de la façade en tôle thermolaquée. Suite, essentiellement, à l’emploi du plâtre pour l’intérieur, la plâtrerie/peinture représente 10,3 % du poids.

D’emblée, les valeurs importantes de l’énergie non renouvelable pour la serrurerie et la ferblanterie sont remarquées, surtout par rapport à leurs poids. La valeur est aussi importante pour la menuiserie, comprenant également la vitrerie, ceci du à l’emploi massif de bois. L’influence positive de la menuiserie, ressort clairement sur l’histogramme de l’effet de serre, l’influence négative de la serrurerie également. L’impact au point de vue acidification est dominé par les mêmes trois matières, mais les valeurs de la ferblanterie et la serrurerie sont de nouveaux importants, surtout par rapport à leurs poids.

D’abord l’importance des actions comparées doit être expliquée ; la démolition demandait seulement deux journées de travail et les adjudications faites aux entreprises locales contribuaient à diminuer les transports. La préparation en atelier, d’autre part, d’un certain nombre d’éléments, réduisait les besoins en énergie sur le chantier. Par conséquent, les impacts provenant de la construction domine largement, surtout l’énergie non renouvelable 86 % et l’acidification 95 %. Les transports, se situant habituellement dans une fourchette de 10 à 12 %, représentent ici seulement 6 % suite aux adjudications faites aux entreprises locales.
En ce qui concerne l’effet de serre, le résultat global de la construction est logiquement négatif, du à l’emploi du bois. De ce fait, et malgré les distances faibles, la part des transports grimpe à 116 %, soulignant le fait que la source principale d’émission du CO2 reste les hydrocarbures brûlés.

2. Pour pleinement prendre en considération l’importance de la longévité des matériaux employés, nous avons supposé une durée de vie de 50 ans pour la façade en bois. Ensuite, nous avons confronté les impacts annuels avec l’énergie primaire nécessaire pour l’exploitation, soit le chauffage (électrique) et l’électricité. L’entretien nécessaire à la façade est également inclus. La surface de référence de 380 m2, la SRE, englobe selon notre hypothèse la surface au sol de tous les bureaux sud. La surface totale du bâtiment est de 785 m2

Que cela soit l’énergie non renouvelable ou l’effet de serre, l’impact de l’exploitation est prépondérant, représentant 91 % du NRE et 194 % du GWP (la construction ayant une valeur négative). Pour l’acidification le résultat et plus nuancé, 50%/ 50% suite aux valeurs élevées de la menuiserie, la serrurerie et la ferblanterie par rapport à l’énergie électrique. L’impact total annuel au m2 est de 379 MJ, 1,1 kg CO2 et 0.03 kg SO2.

3. Les impacts obtenus précédemment sont difficilement comparables avec d’autres expériences, étant donné que seule la façade sud a été refaite. Pour pallier ce problème, nous avons imaginé deux façades hypothétiques, posées sur le même corps de bâtiment, afin d’apporter des éléments de réponse. La première façade est dotée d’une isolation périphérique (laine de pierre) collée sur un support en béton avec des crépis de finition à l’extérieur. La deuxième façade est en béton cellulaire, également crépie. Nous avons admis des ouvertures de fenêtres d’une dimension similaire à la façade en bois, mais fait abstraction de l’élément anidolique. Il ne s’agit donc pas de façades ayant les mêmes performances en termes d’éclairage naturel. La composition des trois façades répond aux même critères thermiques, la valeur k moyen est par conséquent similaire pour les trois objets (= 0,89 W/m2 K).

Il est évident que malgré les similitudes recherchées, la façade construite en bois est pénalisée par sa forme relativement complexe, apportant plus de masse et de volume que les deux autres exemples. Le mode de suspension et l’élément anidolique intégré alourdit la construction, en particulier concernant les impacts d’énergie non renouvelable et de l’acidification. L’effet de serre reste par contre extrêmement avantageux pour la façade construite en comparaison avec les deux autres objets, du à l’utilisation de bois. Relevons les résultats intéressants de la façade en béton cellulaire.

4. Précédemment, nous avons comparé les impacts entre les travaux des différents entrepreneurs, selon les habitudes d’adjudication pratiquées en Suisse. Par la suite, nous avons partagé les matériaux de la façade en bois dans les groupes suivants : bois, métal, verre, isolation, plâtre/peinture et « autres », permettant de mettre en évidence les impacts des matériaux.

La charge environnementale du métal ressort du lot en comparaison avec les autres matières, surtout par rapport à son poids. Atteignant 54 % de l’énergie non renouvelable (total 446 [GJ]), son poids par contre s’élève à seulement 13 % du poids total. Le bois, qui occupe la deuxième place avec 23 % du NRE, représente 58 % du poids total.

5. Suite à l’accord sur les marchés publics signé en 1994 à Marrakech, la loi et l’ordonnance sur les marchés publics sont en vigueur en Suisse depuis le 1er janvier 1996 ainsi que l’accord intercantonal sur les marchés publics. Pour ouvrir la discussion sur l’art. 21 de la loi et les possibilités de favoriser l’écologie (ou non), nous avons émis l’hypothèse d’adjuger les travaux concernés à Berne, soit à une distance de 100 km. Par la suite, nous avons comparé les résultats avec les adjudications effectives, faites dans le rayon local.

"Think globally, act locally", pourrait être la devise à appliquer, ce qui est contraire à la globalisation préconisée par l’OMC (GATT) et la loi précitée. Dans le cas de notre façade en bois, nous avons vu précédemment que les transports représentent 6 % de l’énergie non renouvelable nécessaire globalement à la construction (Fig. 5). Dans le cas où les adjudications auraient été faites à Berne, l’impact aurait été multiplié par plus que trois. De plus, les transports auraient représenté 18 % de l’énergie globale au lieu des 6 % calculés.

Conclusions

En guise de recommandations, voici nos conclusions, des « mots clé » visant une meilleure prise en main de notre environnement construit :
• L’architecture peut facilement épouser les objectifs du développement durable ; avec une véritable volonté et une information toujours plus intense, le but sera plus facilement et plus rapidement atteint.
• L’utilisation du bois aide à maintenir les émissions de CO2 à un niveau bas.
• Les impacts des métaux sont importants; il faut s’informer, calculer et considérer la durée de vie avant de tirer des conclusions peut-être hâtives.
• Dans l’ensemble, en ce qui concerne les constructions, faites attention au NRE et le AP lors des choix des matériaux, pour le GWP l’ennemi n° 1 est le transport.
• Pour abaisser les impacts annuels, faites attention aux systèmes d’exploitation, surtout concernant le NRE et le GWP.
• Exigez des données fiables avec références - jugez ce que vous recevez. Nous avons remarqué des différences allant jusqu’au facteur 17 pour des matériaux semblables.
• « Think globally, act locally », interpréter intelligemment les lois et ordonnances, ils sont là pour nous aider !
• Les constructions consomment la moitié de l’énergie utilisée par l’être humain ; les décideurs doivent par conséquent savoir ce qu’ils veulent et être en mesure de contrôler ce qu’ils reçoivent en payant.
En mettant dorénavant en pratique un, deux voire plusieurs points précités, nous ménagerons notre environnement. Utilisez la stratégie gouvernementale en matière du développement durable, cela en vaut la peine.

Bibliographie

1. Conseil Fédéral: Le Développement Durable en Suisse, Stratégie, Berne, 1997
2. Kasser, Ueli et Pöll, Michael : Graue Energie von Baustoffen et Harmonisierung von Grauenergiedaten im Baustoffbereich, Ergänzender Bericht, Büro für Umweltchemie, Zürich, 1998
3. Office des Constructions fédérales : Durées d’exploitation de bâtiments et d’éléments de construction, Berne, 1995
4. SIA : Dokumentation 0123, Hochbaukonstruktionen nach ökologischen Gesichtspunkten, Zürich, 1995
5. Weibel, T. et Stritz, A. : Ökoinventare und Wirkungsbilanzen von Baumaterialien, ETHZ, ESU-Reihe n° 1